Exposition 2016 de crèches et Nativités d'Espagne en Belgique (Liège, église St-Remacle)
Publié le 16 Décembre 2016
Cher(e)s ami(e)s,
Aujourd'hui c'est la Belgique qui est à l'honneur avec une somptueuse exposition consacrée aux crèches et aux Nativités d'Espagne à l'initiative de mon ami Michel V. qui est l'auteur de ce billet et qui est à l'origine de cette manifestation. Ce dernier donne des explications permettant de mieux appréhender cette exposition.
Si l’art de la crèche est né en Italie, l’Espagne a su le développer de manière admirable et avec des techniques qui sont parmi les plus accomplies. Peu d’attitudes codifiées chez les personnages, mais avant tout beaucoup de naturel et l’image de la vie.
Née à la fin du Moyen-Âge, la représentation de la Nativité atteint son apogée à la période baroque. Dès la fin du XVIIIe siècle, elle quitte les palais et les sanctuaires et se répand dans les classes populaires avec des œuvres naïves proches des santons de Provence. La foire de Noël de Barcelone est attestée dès 1786. Même phénomène précurseur avec la création d’une union des créchistes en 1863, une des plus anciennes associations au monde, devancée de trois ans par l’Autriche.
Au XIXe siècle, plusieurs styles de figurines cohabitent : style régional avec scènes de genre et costumes locaux, style classique inspiré par la peinture des siècles précédents et courant historiciste qui prétend reproduire une réalité historique et orientaliste telle que l’imaginait l’archéologie à cette époque. Chacun de ces courants a laissé des artistes de renom qui parfois s’opposeront.
En 1912, Antoni Moliné Sibil montant la crèche d’un couvent avec de l’écorce de liège manqua de place. Profitant de travaux dans le bâtiment, il inventa, un peu par hasard, la technique du diorama qui consiste à recréer en plâtre tout un paysage en perspective très réaliste dans un espace restreint. Si cette technique artistique est prisée par les associations, la crèche traditionnelle réalisée à partir de matériaux naturels, écorces de liège, végétaux divers et sable conserve la préférence des familles. Les scènes ne se limitent pas, comme chez nous, à l’adoration des bergers et des mages. Si dans le diorama, on constate une individualisation de l’épisode biblique, on retrouve dans les personnages tout le cycle biblique lié à la naissance et l’enfance de Jésus depuis l’annonciation, le réveil des bergers, la recherche de l’auberge, bien sûr la nativité, la cavalcade des rois-mages en grand cortège et la fuite en Egypte pour ne citer que les plus importants. L’imagination des constructeurs de dioramas a aussi permis d’agrandir le répertoire avec la représentation des coutumes de Noëls, comme le jeu du « caga tió », le montage ou la bénédiction de la crèche ou encore le retour de la famille dispersée à la maison paternelle.
La Catalogne, même si elle occupe une place de choix historiquement et qualitativement, n’est pas l’unique région réputée pour ses figurines de crèche. Il faut citer aussi Murcie et le Levant où la crèche, plus que toute autre tradition, est le symbole de Noël. Les personnages sont souvent drapés de tissu encollé et peint, technique empruntée à la statuaire baroque sicilienne. L’Andalousie a quelques créateurs de valeur. Les Baléares ont su créer aussi un style très particulier à partir des céramiques traditionnelles.
A l’occasion des 300 ans de l’église actuelle, la paroisse St-Remacle-au-Pont à Liège, déjà connue pour sa crèche provençale, vous propose de découvrir plusieurs centaines de figurines et des dioramas qui témoignent de cet art particulier. Par sa variété et sa qualité, cette exposition s’adresse à un public de tous âges. Chacun y trouvera une lecture différente. Approche artistique ou technique pour les uns, catéchèse en trois dimensions pour d’autres, nostalgie de vacances ou évocation plus spirituelle.
D’ici un avenir très proche, la crèche provençale de l’église qui occupe plusieurs dizaines de m² et les décorations de Noël vont venir compléter cet ensemble féérique. Un concert de Noël est programmé pour le 18 décembre à 15 heures. L’exposition pour laquelle un droit d’entrée est demandé est accessible chaque samedi et dimanche entre 14h et 18 h jusqu’au 2 février 2017 et sur demande pour les groupes et les écoles. Eglise St-Remacle, rue d’Amercœur 22, 4020 Liège. Secrétariat paroissial : 04/343 26 35
L’art de la crèche se développe en Espagne à la fin du Moyen-Âge et au début de la Renaissance. Dès le XVe siècle, on a trace dans un acte notarié de restauration de figures de bois. Une autre d’orfèvrerie en argent est citée en 1522 pour la cathédrale de Barcelone. Elle n’a pas été conservée. La Contre-Réforme, l’ordre des Jésuites et celui des Franciscains, vont jouer un rôle important dans la diffusion de la crèche dans la péninsule sans qu’il s’agisse pour autant de tradition établie ou d’ « école » d’une région telle que nous le concevons aujourd’hui. Parmi les artistes qui ont créé des œuvres notoires, on peut citer au XVIIe s. Luisa Roldan (1656-1704), fille du célèbre sculpteur sévillan Pedro Roldan qui va réaliser des crèches pour la cour royale et Fray Eugenio Gutiérrez de Torrices (†1704), qui travailla la cire. On conserve de lui des compositions dans des niches vitrées.
L’expansion de la crèche devient décisive avec l’avènement sur le trône d’Espagne de Charles III (1759) qui était auparavant roi de Naples et lui vouait une véritable passion. La crèche commence à se propager dans la noblesse puis dans les classes plus populaires en milieu urbain. En Catalogne, des artistes dirigeant des ateliers de statuaire d’église vont apporter une contribution déterminante à la crèche de style catalan en représentant la réalité de leur temps. On peut citer Ramón Amadeu Grau (1745-1821) et Damian Campeny Estrany (1771-1855). Domenec Talarn Ribot (1812-1902) privilégiera, sous l’influence romantique, les représentations de type oriental avec une reconstitution pseudo-archéologique. Parmi ses suiveurs, il faut citer Salvador Masdeu (1864-1918) dont on peut voir quelques réalisations.
Par opposition au style ampoulé des précédents, un autre sculpteur, Pere Texidor va réaliser un type de figurines oriental avec un type de vêtement simplifié qui va prévaloir par la suite à Barcelone et sera adopté par une majorité de figuristes.
La tradition semble bien implantée à la fin du XVIIIe s. La foire aux crèches est citée en 1786 dans la chronique du baron de Maldà. Nous sommes 1è ans avant la première foire aux santons de Marseille et elle est citée comme une tradition bien établie. Indépendamment de ces sculpteurs dont les œuvres sont réservées à une élite, la crèche s’est répandue parmi le peuple en milieu urbain. Le folkloriste Joan Amades avait réuni dès les années ’30 un peu plus d’une centaine de noms de figuristes. Les œuvres populaires n’avaient pas de véritable prétention artistique, cela va changer avec l’invention du diorama en 1912 par Antoni Moliné Sibil. Cette création du diorama qui
représente de façon très naturaliste un paysage en perspective vu à travers un cadre se fait un peu par hasard. Il va nécessiter une individualisation des scènes et des personnages de plus en plus finis au style irréprochable. Beaucoup seront des pièces uniques appelées figures « de palillo ». Deux sculpteurs barcelonais vont s’illustrer particulièrement : Marti Castells Marti (1915-1995)
Annonciation, terre cuite et plomb peints, 11 cm Atelier des frères Castells, Barcelone- figures de série.
pour les œuvres de style oriental et Lluis Carratalà Vila (1895-1991) pour les œuvres catalanes.
Lluis CARRATALA VILA (1895-1991), terre cuite peinte à l’huile, 6,5 années ‘80-2016.
Cet artiste est le premier au monde à avoir représenté la sainte-Famille en costumes régionaux. Carratalà était acteur de théâtre et portait ces costumes régulièrement en scène. Une partie des tirages de la présente crèche ont été effectué par son élève Toni Pruna pour l’exposition.
Le diorama ne se limitera plus seulement aux épisodes bibliques, mais l’imagination des créchistes va introduire aussi la représentation des coutumes de Noël. L’espace de ce résumé est trop réduit pour citer tous les artistes. Mentionnons simplement les dynasties de figuristes comme les Muns, les Daniel, les Castells ou les Carratalà qui ont œuvré durant plusieurs générations.
Présentation de Jésus au Temple d’après Manuel MUNS,selon l’évangile de LUC, 2, 21-40.
Ces dernières années, le matériau constitutif a aussi évolué. Il y a peu, la terre cuite avec parfois certaines parties en plomb était la règle. Des résines et des pâtes céramiques sont à présent utilisées par les artistes les plus renommés tant en Catalogne que dans le reste de l’Espagne. On peut citer Montserrat Ribès Daviu, Alina Antonell et Daniel Lopez Alcàntara.
Un autre centre important en Espagne est Murcie. Elle doit sa renommée au grand sculpteur Francisco Salzillo Alcaraz (1707-1783), connu pour ses groupes processionnels, les pasos, il réalise une grande crèche pour le marquis Jesualdo Riquelme qui est considérée comme un chef-d’œuvre du baroque espagnol. 556 personnages (166 sont des figures humaines et des anges) mêlent histoire sainte et scènes du quotidien. On y retrouve les épisodes bibliques de l’enfance du Christ. La tradition se maintient à Murcie tout au long du XIXe s. Aujourd’hui, les ateliers sont légions et occupent plusieurs centaines de personnes. Il faut dire que la crèche demeure dans cette région, avant la gastronomie ou le folklore, le symbole intrinsèque de Noël. Mentionnons pour Murcie les deux styles : populaire avec les bergers en costumes du XVIIIe s. avec le chapeau noir relevé « à la federica » inspirés de l’œuvre de Salzillo et le style oriental avec des personnages drapé dans de tissu encollé. Cette technique baroque sicilienne a été remise à l’honneur par Manuel Ortigas Mendes (†1979) qui posséda le plus grand atelier d’Espagne.
Les îles Baléares, pourtant étroitement liées à la Catalogne par la culture et la langue adoptent un type de personnages très particulier qui rappelle les poteries traditionnelles. Il existe des figurines populaires moulées en costumes majorquins, mais ce sont surtout les siurells, sifflets modelés à la main qui ont la préférence. La terre est engobée d’un enduit de chaux et rehaussées de couleurs vives rouges et vertes. Cet artisanat qui connait des similitudes avec d’autres îles de la Méditerranée n’a pas d’équivalent dans le reste de l’Espagne.
Pour être complet, il faut citer à Leganes dans la région de Madrid, l’œuvre de José Luis Mayo Lebrija.
Jugé par certain comme commercial, il n’en demeure pas moins un artiste d’exception qui a su développer à travers le courant oriental un style inimitable qui respecte de manière scrupuleuse les costumes de l’époque biblique. Mayo a aussi réalisé des groupes régionaux pour différentes associations qui sont d’un grand intérêt.
José Luis Mayo Lebrija, Leganes, nativité sévillane, pour l’association « La Roldana », terre cuite peinte à l’acrylique, 12 cm, 2003.
En Andalousie, l’œuvre d’Angel Martinez Garcia (1882-1946) s’inspirant des traditions locales mérite une mention. Les personnages proviennent de la combinaison de différents moules et constituent presqu’à l’infini une œuvre originale. Deux artistes s’illustrent dans le style oriental, ici encore très différent de celui de Barcelone. Citons Pedro Ramirez Pazos (°1960) qui se cantonne surtout dans la création de pièces uniques et José Joaquin Pérez (°1982) qui réalise des personnages de série avec beaucoup de mouvement. Ces dernières années, beaucoup de nouveau créateurs apparaissent et demandent une recherche plus approfondie.
Parmi les sculpteurs plus récents citons à Pampelune depuis le Congrès de 2000, les créations de l’atelier Tula, le sculpteur Ignacio Fernandez Chocarro (°1970) présente dans une œuvre très personnelle, son modelage plus nerveux rappelle celui de traité à Olot en catalogne. Il présente à travers différents ensembles les provinces d’Espagne. On peut voir deux œuvres dans l’exposition : l’une est liée au montage de la crèche d’église, l’autre, pièce unique représente de jeunes Basques portant une traditionnelle Jaiotza, crèche de type populaire.
Si vous êtes dans la région de Liège, n'hésitez pas, il est rare d'avoir l'opportunité d'admirer de telles oeuvres.
A bientôt