Site sur les santons et les crèches. Pour tous les "santounophiles" d'ici et d'ailleurs...
La crèche de Monique: un jour en Gasconnha: louise (1/4)
Publié le 10 Mars 2018
Cher(e) ami(e)
Aujourd'hui nous allons à la découverte de la crèche réalisée par une véritable artiste Monique. Cette dernière a non seulement réalisé tous les bâtiments que vous verrez mais elle a aussi rédigé une histoire. Elle a commencé à mettre sa crèche en scène en 2013, cette année Monique a imaginé une histoire qui se déroule en Gascogne. Le texte qui suit est entièrement écrit par elle.
Souvenez-vous ! nous avions laissé Pauline et ses 2 belles sœurs Aliénor et Margueritte du mas des Chachas dans la chambre de mémé partie au milieu de l’hiver rejoindre le pauvre papa.
Les visages sont blêmes, les trois femmes sont interloquées par la découverte d’une malle dans la chambre de Louise, bien cachée dans son armoire à linge.
Elles y trouvent pêle-mêle, des reliures en cuir renfermant des feuillets noircis d’écritures, une poupée en bois et chiffon et un paquet de lettres soigneusement pliées par un ruban en satin rouge .
Elles s’interrogent, pourquoi mémé n’a jamais parlé à personne de cette malle? qui a écrit sur les feuillets avec des pleins et des déliés, avec une si belle calligraphie que l’on dirait une chorégraphie? mais surtout de qui sont ces lettres entourées d’un ruban ? peut être des lettres galantes ? Quel grand secret inavouable peut bien cacher Louise notre chère mère , si pieuse, si aimante, si disponible pour sa famille, si prompte à aider les autres, toujours joyeuse et dure à la tache ?...
Je vais laisser Aliènor, l’ainée des enfants de mémé, pour vous raconter l’histoire de Louise et de sa jeunesse et les raisons de sa venue au mas des Chachas.
Je reprends les reliures et découvre avec stupeur les souvenirs que maman a noté scrupuleusement au fil des années, je ressens cet amour profond pour cette Gascogne qui l’a vu grandir. Louise n’est pas provençale, j’aurais du m’en douter à la façon dont elle roulait les « rrr » en essayant de les retenir pour ne pas trahir son secret, et ce petit nom qu’elle m’avait donné, j’ai toujours cru que c’était un diminutif , mais non, Aliènou est la prononciation en gascon d’Aliénor.
Henri, n’y tenant plus, défait le ruban et lit frénétiquement la première lettre, rouge et confus, il nous murmure le nom de l’auteur, Estébèno ! ce ne sont pas des lettres d’un galant mais des messages d’amitié, de sa fidèle amie d’enfance, qui lui donne des nouvelles du pays.
Nourrie des mémoires de Louise et des lettres d’ Estébèno, je vais vous relater ce morceau de siècle que Louise a traversé et retrouver les sources de mes racines.
La Gascogne s’étend des rives de la Garonne aux Pyrénées en passant par les Landes. Fait de plusieurs terroirs elle ondule sans cesse de plaines en vallées, de coteaux en plateaux, baignés de lumières.
Sous cet abord paisible se cache des histoires toutes empreintes de magie, de sorcellerie et de superstition. Les anecdotes notées par Louise dans ses cahiers sont cocasses, émouvantes, inquiétantes. Elle raconte les personnages de sa jeunesse, gamins espiègles, femmes aux caractères bien trempés, hommes pittoresques et truculents. Ce qui lie ces terroirs, c’est la langue : Louise parlait une langue dérivée de l’occitan et d’un patois local le gascon. Mais heureusement pour moi Louise et Estébèno ont appris le français à l’école, elles témoignaient d’un sentiment fort, exalté, d’amour et d’orgueil de la petite patrie mais aussi de la France depuis qu’elles avaient appris à lire et à écrire.
Dans un coin de Gascogne, le village de Péchac exhibe fièrement ses maisons à colombages, ses vieilles façades du XV°s mélangeant briques, bois, pierres et torchis. Vers 1820 c’est une ville médiévale située sur le chemin de Compostelle, une bastide qui tourne autour de sa place publique, pôle économique et politique. Autrement dit un petit village qui pour Louise et Estébèno est le plus beaux de tous. Les vieux disaient : le soleil se lève toulousain et il se couche gascon. Sous sa halle centrale se tient le plus grand des marchés ou viennent acheter ou vendre tous les autres paysans des villages alentours.
Louise n’est qu’une pauvre servante, une gardienne d’oies qui souffre du froid l’hiver, elle puise l’eau, rentre le bois, soutenue par le bon dieu dans son labeur. Les jours de foire Estébèno y entraine Louise, son amie, et la soulage de ses peines. Elle est la fille du métayer et son père qui la gâte beaucoup ne peut rien lui refuser lorsqu’elle plisse son front et vient lui coller un gros baiser sur sa joue rugueuse.
Elles adorent déambuler au milieu des marchands roublards « tiens ma nine bon poids » comme ils disent chez nous. Marcelline est une amie mountagnol jeune et jolie qui aime bien les beaux gascons qui lui content fleurette l’ors des fêtes votives ou des fêtes agricoles. Elle porte toujours le costume coloré de massat les jours de foire dans le but d’attirer les regards. Elle est venue des Pyrénées travailler en Gascogne avec ses parents pour améliorer leurs conditions de vie, ils élèvent oies et canards qu’ils vendent sur les marchés .
Mataléno (Madeleine), elle aussi a partagé leurs jeux et espiègleries. elle vend la production de la ferme de Sériniac, une des plus grosses fermes du coin. Son père, ce pauvre homme dont la mère la rabacholle avait le vin un peu facile ! ne trouvait jamais à manger quand il arrivait des champs, et sa mère lui disait, tu n’as qu’à prendre le chat et le mettre à la marmite et des villageois toujours prêts à rire en avait fait une chansonnette et l’avais dotée du ravissant sobriquet « le gat à loule » .
Aussi quand certains d’entre eux viennent aujourd’hui se louer pour la fenaison, le piquage, les vendanges, ou la récolte de l’ail et des pommes de terre , il leur dit tu n’as qu’à chanter lou gat , ça nourrit son homme. Lui n’avait pas mangé le chat mais il savait y faire avec la terre, c’était sa maitresse.
Louise n’a jamais trop compris cette histoire de prélat réfractaire pendant la révolution, toujours est il que le père Larricau est un « illuminat », il pratique le culte à la façon d’un pasteur, avec son air grave et sa cape il lui fait peur, elle préfère sa femme plus douce plus avenante. Lilòio essaie toujours habilement de leurs extorquer les coins de cueillette, mais ça les Larricau les gardent bien pour eux, au mieux on le partage avec ses proches (très proches), mais sûrement pas avec cette commère qui veut leur prendre leurs sous.
La production de pèle bise sert essentiellement à nourrir le personnel de la métairie et payer le propriétaire. Les deux amies passent devant le banc, on y vend le surplus qui fait grossir le bas de laine du métayer. Tiens les « vieux amoureux » ! ils sont touchants, ils se donnent la main pour se soutenir l'un l’autre. Louise aime quand Darnert raconte qu’il a taillé avec une hache des esclops pour sa bien aimée, ayant la forme d’un croissant de lune avec une longue pointe effilée, habillés de cuir, cloutés pour former un cœur. Plus la pointe est longue et plus l’amour est ardent, l’amour de Darnert pour Germaine est toujours immense.
Ce jour là, Louise semble chercher quelqu’un parmi la foule, non Arruman ( Roman) n’est pas là. C’est le fils cadet du moulin de pèle bise. De 5 ans son ainé, il n’a jamais trop fait attention à elle, mais cet été, en livrant la farine à la borde il l’a remarquée au milieu de ses oies. Il se baisse et ramasse une reine des prés qu’il lui offre.
Un autre jour de foire aux bestiaux il lui offre une écharpe de laine. A l’heure laissée aux domestiques elle le rejoint dans le bois de Panjas derrière pèle bise. Tu sais je sais écrire, lire et conter a dit Louise. Arrouman passe son bras à sa taille et la promène sur le chemin. Quand son regard bleu se pose sur elle, c’est le bon dieu qui l’éclaire et l’amour que tient Louise c’est le bon dieu qui lui donne.
C’est vrai que le Gascon est excessif en tout, en paroles et en vantardises, pour donner ainsi raison aux esprits chagrins, mais aussi en hardiesse, en courage et en panache, pour donner de l’inspiration. Arrouman est un vrai gascon qui sait se montrer tendre et aimant. Il a pris soin de son âme, l’a traitée comme une femme.