David Dellepiane : le peintre des santons et l'âme de la Provence populaire

Publié le 9 Avril 2025

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Quand on parle de santons, ces figurines qui peuplent nos crèches de Noël, on pense à la tradition, au terroir, aux gestes anciens figés dans l’argile. Mais derrière ces petits personnages se cache un artiste majeur du patrimoine méditerranéen : David Dellepiane (1866-1932), que l’on surnomma avec justesse "l’imagier des santons".

Un artiste marseillais entre tradition et modernité: Né à Gênes et installé à Marseille dès l’âge de 9 ans, David Dellepiane a grandi dans une famille d’artisans et d’artistes. Son père était sculpteur sur bois pour la marine. Très tôt, il intègre l’École des Beaux-Arts et se distingue par un talent précoce en dessin, gravure et peinture. Affichiste renommé, il signe de nombreuses œuvres publicitaires, calendriers et affiches pour les expositions de Marseille ou les compagnies maritimes. Mais son cœur bat pour autre chose : l’âme populaire de la Provence.

Le santon, au cœur de son art C’est au début du XXe siècle, au fil de rencontres avec le poète Elzéard Rougier et la santonnière Thérèse Neveu, que Dellepiane s’empare du santon comme sujet pictural. Ce ne sont plus de simples accessoires de la crèche, mais les héros d’une Provence rêvée : le berger au mouton, la fileuse, le tambourinaire... Tous prennent vie sous son pinceau avec une tendresse infinie.

Dans ses gouaches, il traduit la beauté simple des scènes rurales : un moulin au crépuscule, un berger sous le mistral, une vieille femme au fagot, tous figés dans un éternel instant de paix. Il donne au santon une dimension poétique, presque sacrée.

Une influence directe sur les santonniers. Son travail inspire durablement les santonniers Louise Amphoux et Gérard Volaire. Tous deux témoignent de leur admiration (Le Journal des Santons 2000) : ils ont retrouvé dans ses œuvres une manière unique de rendre la douceur humaine du santon. Le sculpteur Fernand Volaire ( 1903-1996) était élève et parent de David Dellepiane. Il retranscrivait librement dans l'argile les dessins de son maître qui ne tarissait pas d'éloges à son égard en lui répétant qu'il était le meilleur.
Amphoux décrit des "figures habillées de douceur et de tendresse", tandis que Volaire salue sa capacité à exprimer la "vulnérabilité biblique de l’homme".

Les faïencières et santonnières Lyda et Marguerite Gastine ont repris des motifs librement inspirés de lui.
André Filippi (1902-1962) grava sur bois des compositions de Dellepiane. Il est également l'auteur des planches de santons aux couleurs vives à l'instar de Dellepiane.
Plus qu’un modèle graphique, Dellepiane leur a légué une façon de ressentir le santon comme un être porteur de sens et de mémoire.

Un style pictural à part, entre modernité et spiritualité Le style de Dellepiane se distingue par un usage intense de la ligne, des aplats de couleurs, un goût du détail narratif et un traitement lumineux hérité du japonisme. Il a su mêler la rigueur de l’affichiste à la fraîcheur de l’illustrateur populaire. Ses paysages sont souvent baignés de lumière dorée, ses scènes rythmées par des personnages en mouvement immobile.

Sa vision du monde santonnier est traversée par une forme de contemplation mystique, où l’homme, la nature et la tradition s’unissent dans une esthétique simple et bouleversante. Il donne au "petit peuple" de l’argile une noblesse silencieuse.

En conclusion David Dellepiane a fait entrer les santons dans l’art. Il les a libérés de leur fonction purement décorative pour les élever au rang de portraits de l’âme provençale. Avec lui, le santon devient le reflet d’un monde disparu mais vivant, un monde où les gestes simples portent une émotion universelle.

Sources principales :

Le Journal des Santons, numéro spécial David Dellepiane, décembre 2000
Nathalie Delsalle, "L'évolution vers le santon de David Dellepiane", in Marseille et ses traditions de Noël
Henri Lemercier, article dans Fortunio, janvier 1922
Emile Isnard, "Le peintre des santons", Le Petit Marseillais, 1942
Écrits d’Elzéard Rougier (Petite histoire des santons, Marseille, Librairie P. Ruat, 1923. La chamauchée des Rois Mages, Marseille, A. Tacussel, 1924.
chroniques du Comité du Vieux Marseille
David Dellepiane - peintre, affichiste, illustrateur, Editions Parenthèses