Histoire avec des santons 3ème partie : L'emballement (automne)
Publié le 30 Mars 2017
Cher(e)s ami(e)s,
Nous découvrons aujourd'hui la troisième partie du conte imaginé par mon ami Philippe de Belgique.
Le temps jouait contre lui...
Le garçon avait marché toute la journée. La nuit ne l'avait pas arrêté.
Adieu l'été, l'automne était largement installé, avec son ballet de feuilles chatoyantes, et un vent parfois cinglant imposait d'avancer le visage incliné.
En soirée, il aperçut enfin le village annoncé, qu'il atteignit en se réjouissant de percevoir un joyeux brouhaha.
C'est jour de marché.
La vie grouille dès l'entrée du portail.
Philou vient à peine de franchir l'échalier qu'il se trouve mêlé à une troupe d'oies turbulentes, cacardant à tue-tête.
Rien que des oies blanches, conduites par une fillette et sa mamie...
Mais non !, s'avise-t-il soudain en remarquant un jars noir intriguant, l'œil fixe, qui semble le guetter.
Il reconnaît le fier Gédéon et l'approche, indécis, pour tenter un dialogue.
Bingo ! L'animal mystérieux embraye et lui confie qu'il est au courant de tout, grâce aux cigognes.
"Je sais que les Rois Mages attendent ton signe...Tu es tenace...A toi de trouver la trappe dissimulée sur la place : c'est le seul raccourci pour atteindre la Nativité...".
Le gamin saute en l'air et bat des mains, mais l'imprudent osera-t-il caresser l'animal, réputé pour ses coups de bec redoutables ?
Philou se trouve noyé dans un chahut monstre, parmi cette foule animée qui bavarde, se pousse et est ballottée entre les échoppes, les cages et les animaux qui braillent.
Une ribambelle de gosses joue, s'excite, s'esclaffe...
La tête lui tourne.
On trouve de tout ici : du pain, du beurre, des œufs... Le poisson côtoie les salaisons...
Philou passe d'un étal à l'autre et est conquis par celui des fromages, où un Herve incontournable fait défaillir les plus vrais amateurs.
Là, c'est une cotîresse liégeoise qui présente les plus frais des légumes : le fenouil l'emporte sur l'échalote et cherche à dominer le céleri.
Plus loin, on lui propose des fruits variés, terriblement appétissants.
Ah, quel délice de goûter au melon juteux avant d'avaler un pulpeux abricot, pendant que sa voisine se décide à commander un assortiment, mi-figue, mi-raisin !
Et que dire de l'éventail d'épices, dont le mélange suave vient chatouiller les narines de tout ce petit monde qui bat le pavé au son de l'accordéon, sous une pluie de feuilles multicolores ?
Le photographe justifie bien sa présence, en immortalisant cette ambiance unique où les parfums, les couleurs et les sons se répondent...
La nuit s'installe très tôt.
Philou reprend conscience de sa mission.
En se faufilant, il passe à côté de 2 commères qui abordent justement le fameux vent du matin.
Il intervient "Il y a pire !"
"Quoi donc ?", s'inquiètent-elles ?
"J'ai déjà affronté un vent pire ! Hahaha !".
Il les quitte interloquées et poursuit en direction de la galerie Sainte-Thérèse, plongée dans un singulier contraste de calme.
Il ralentit l'allure et y pénètre, se heurte à Hanscrouf et croise Saint-Nicolas, avant de saluer Monsieur le Curé, pensif, qui médite sans doute son prochain sermon.
Un arrêt...Fasciné par l'éclat des vitraux colorés où se joue la lumière, il se sent envahi par un sentiment de piété.
Tout à côté, l'éclairage sublime une splendide vigne rougeoyante...
Quand Philou en ressort, les réverbères ont déjà mis en valeur les arcades supérieures du bâtiment .
Assoiffé, il court se désaltérer à la vieille fontaine, au pied de l'escalier, dont le clapotis se mesure aux roucoulements des pigeons voisins qui tournoient à l'entrée de leur abri : un concert de cris, ponctué de déjections... Pouah !
Il se retourne à temps pour voir la foule s'écarter au passage d'un duo, qui présage le cacho fio, et ne peut rester indifférent à la scène : le plus vieux et le plus jeune de chaque famille, portent la plus lourde des bûches qui prendra place dans le feu, la nuit de Noël...
L'un est concentré et solennel ; l'autre est téméraire et affiche une bouille rayonnante.
En rasant les murs, Philou tombe enfin sur un faisceau lumineux, révélant la trappe convoitée.
Victoire ! Victoire à nouveau !, jubile-t-il intérieurement.
Tac ! Tac ! Tac !, fait la cigogne, qui l'a repéré pendant qu'elle s'appliquait à donner la becquée à ses petits.
Il la voit et s'encourt vers elle.
"Va, ma belle, dis-leur que c'est presque gagné !", lâche-t-il en ouvrant la vieille grille pour la propulser en direction des Rois Mages.
Philou a fait le plein de victuailles.
Un coup d'œil à gauche, à droite...Personne ne s'intéresse à lui.
Il entrouvre la trappe, s'y glisse et disparaît dans un bruit sourd.
Cette fois, son destin est souterrain...
* * *
A Bientôt pour la suite et la dernière partie